Les deux potentiels « bénéficiaires » du recours en grâce présidentielle adressée au « Chef de l’Etat » par la Commission Indépendante contre la Corruption et la Discrimination (COMICODI) présidé par SHANDA Tonmé ont diversement réagi à l’initiative. Lapiro de Mbanga de son vrai nom Lambo Pierre Roger dès le lundi 22 mars 2010 c'est-à-dire quelques heures plus tard, du fond de sa cellule 18 à la prison centrale de New-Bell, a lancé sur un ton héroïque : « je ne veux pas de la grâce présidentielle. Je n’en ai pas besoin. Tout ce que je veux, c’est que mon dossier aboutisse à la Cour Suprême. D’autres personnes, surtout celles qui ont occupé de dix ou quinze ans en ont plus besoin que moi ». Paul Eric KINGUE l’ex-maire de Penja quant à lui plus réservé a attendu plusieurs jours passés pour laisser entendre le jeudi 25 mars qu’il n’est « pas opposé à l’idée de la grâce présidentielle » parce que « innocent », « cette démarche reflète la volonté d’une grande majorité de camerounais », et entend de ce fait être « réhabilité dans ses droits ».
Dans ce communiqué précatif, le COMICODI n’a pas manqué de souligner entre autres au « Chef de l’Etat », que ces « deux personnalités constituent dorénavant une sorte de plaie béante que seule votre haute décision en vertu de vos larges pouvoirs consacrés par la constitution permettrait de refermer » et a insister sur « les témoignages contradictoires, les rétractations des témoins, les soupçons de règlement de compte, la remise en cause de certaines preuves qui jettent le doute sur des condamnations prononcées contre ces deux compatriotes », pour motiver sa démarche de demande de grâce. Afin que nul n’en ignore, la grâce est une faveur reconnue au Chef de l’Etat par la constitution, en vertu de laquelle un individu reconnu coupable et définitivement condamné se trouve soustrait, en tout ou en partie, à l’application de la sanction.
A toutes fins utiles, il est à rappeler que pour « les faits de pillage en bande » relatifs aux émeutes de la faim de février 2008, Lapiro de Mbanga s’est pourvu en cassation devant la Cour Suprême du Cameroun après s’être vu condamné le 24 septembre 2008 en premier ressort par le Tribunal de grande instance du Mungo à 3 ans de prison ferme et à 28 millions F Cfa de dommages-intérêts, confirmé par la Cour d’appel du Littoral. Pour des faits similaires, Paul Eric KINGUE a interjeté appel de la décision du Tribunal de grande instance du Moungo le condamnant à 6 ans d’emprisonnement ferme assortie d’autres condamnations pécuniaires.
Dans l’opinion publique nationale et même internationale les avis divergent quant à savoir si cette « demande de grâce » introduite par une association autre que les « intéressés » eux-mêmes qui n’ont rien demandé va connaître une suite favorable. Parmi les courants de pensée qu’il convient ce jour d’appeler les « pessimistes », Me Jules BINYOM, l’un des ténors du Barreau du Cameroun, habitué des procédures pénales complexes note, que pour prospérer, une « demande de grâce doit obéir à des conditions » parmi lesquelles « la qualité pour agir » et « le caractère définitif de la décision passé en autorité de chose jugée » or, dit-il pour l’espèce, « bien que ayant intérêt, cette association (COMICODI :Ndlr) fait défaut de qualité » car « il n’est fait mention nulle part dans le recours d’une procuration émanant des deux personnalités » et en plus « leurs affaires sont encore pendantes devant les juridictions de la république » donc cette « demande de grâce est même prématurée ». Par conséquent, « le Président ne peut se permettre de prononcer la grâce ».
Chez les « optimistes » par contre, c’est un autre son de cloche. Me NKENNGNI TCHILIEBOU V.S. Avocat expérimenté en droit pénal et procédure, fait constater que « le recours en grâce n’est pas une procédure judiciaire ordinaire » et qu’«il n’est soumis à aucune forme particulière et peut être formé par le condamné lui-même, par l’Avocat et même par toute personne ayant un intérêt fut-il matériel ou moral » donc « la qualité ici n’est pas substantielle». Il reconnaît tout de même que « les condamnations des deux personnalités ne sont pas encore définitives » mais pense que tout « relève du bon vouloir souverain du Prince qui peut passer outre » encore que, précise t-il, « exceptés l’article 8 alinéa 7 de la constitution qui confie cette prérogative au Chef de l’Etat et l’article 66 du Code pénal qui se limite à la définir, la grâce n’est liée par aucun texte » or, « en droit, ce qui n’est pas interdit est permis ». Par conséquent, « le Président peut éventuellement se permettre de prononcer la grâce ».
A vrai dire, seul le Chef de l’Etat est en même comme il est demandé dans la correspondance, de trancher ce débat juridique de haute qualité ce 20 mai 2010 dans le sens de l’histoire, en saisissant la perche que lui à tendu la COMICODI. D’ailleurs, dans son discours de fin d’année 2009, le Chef de l’Etat avait lui-même dit à la nation que le 20 mai 2010 marquant le cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun en plus d’être historique, serait l’occasion pour tous les fils et filles de ce pays sans discrimination aucune de «se réconcilier avec leur histoire» avant d’entrée dans un nouveau cinquantenaire. Wait and see !
Par Valentin CHUEKOU